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Qu’est-ce que l’éducation populaire politique ?

Autrice: Irène Pereira

I- La genèse :

1) L’éducation populaire politique est une tradition réinventée. Elle est théorisée dans les années 1990 par des personnalités telles que F. Lepage, A. Morvan, L. Carton, ou encore Christian Maurel par exemple.

2) Ces personnes sont des professionnels de l’éducation populaire œuvrant, pour certains, dans l’éducation populaire d’État ou étant confrontés à une éducation populaire associative institutionnalisée.

3) L’éducation populaire politique comme l’énonce Christian Maurel met en avant des principes tels que : a) la conscientisation des rapports sociaux b) l’empowerment et le développement de la puissance d’agir c) la transformation sociale et politique. Les savoirs de l’éducation populaire sont ceux qui permettent d’analyser les rapports sociaux de pouvoir et d’organiser de l’action directe collective.

4) Les références historiques de l’éducation populaire politique sont recherchées du côté des bourses du travail de Fernand Pelloutier, de Paulo Freire…

5) Le secteur de l’éducation populaire politique (ex : les SCOP d’éducation populaire) sont composés pour l’essentiel de professionnels dont l’activité principale consiste à former des professionnels du travail social et de l’éducation populaire institutionnalisée à l’éducation populaire politique.

II- Son objectif est de répondre à plusieurs problèmes :

1) Mettre à distance la conception paternaliste (ou instructionniste) de l’éducation populaire qui consiste à éduquer le peuple. A cela, l’éducation populaire politique oppose une co-construction des savoirs. Une des références de cette éducation populaire coopérative est Paulo Freire.

2) Elle cherche à repolitiser l’éducation populaire institutionnalisée en s’appuyant sur des modèles issus de l’éducation populaire radicale : la pédagogie des opprimés, les bourses du travail.

III- Un des problèmes de la confusion entre éducation populaire radicale et éducation populaire politique conduit à avoir une vision enchantée de l’éducation populaire politique :

1) l’éducation populaire politique n’est pas l’éducation populaire radicale autonome. Elle est une tentative pour produire de l’éducation populaire d’inspiration radicale dans un contexte institutionnel.

2) l’éducation populaire politique constitue donc dans une position qui est de considérer qu’il est possible de politiser (au sens non-partisan et politicien), mais citoyen, l’éducation populaire institutionnalisée.

3) L’éducation populaire politique n’est pas et n’a jamais été une forme d’autoformation radicale au sein d’un groupe de pair (à la différence des groupes de conscience féministe par exemple). Elle implique deux pôle : les éducateur.trices et un public de personnes dans le cadre d’une action éducatrice.

IV- Les difficultés de l’éducation populaire politique.

L’éducation populaire politique a toujours été confrontés à des difficultés dans le cadre de ce projet. Mais ces difficultés ne signe pas l’impossibilité de l’éducation populaire politique, mais justement ce qui lui donne sa raison d’être. Certaines des tensions classiques de l’éducation décrites par le philosophe O. Reboul.

1) Il existe une différence de nature entre les professionnels de l’éducation et les publics avec lesquels ils travaillent et donc des rapports de pouvoir. Or l’éducation populaire politique ne nie pas cette différence, mais elle essaie de proposer des pratiques qui visent à atténuer ce problème. Ces problème se retrouve par exemple également dans le Community Organizing où l’on a affaire à des organisateurs qui sont des professionnels de l’organisation et des communautés, qui sont par exemple des habitants.

2) Les institutions imposent des contraintes ou sont-elles mêmes soumises à des contraintes. Par exemple, dans le milieu associatif, cela peut être la crainte de perdre des subventions. Cela peut conduire à une dépolitisation des discours, mais également à couper l’éducation populaire de son pouvoir d’agir. Là encore, cela n’est pas une fatalité. Cela interroge en réalité davantage le lien que les professionnel.les de l’éducation populaire ont avec les organisations de l’éducation populaire autonome (ou radicale).

Cela invite sans doutes à penser une sorte de division des espaces de l’éducation populaire. A savoir que l’espace d’éducation populaire politique, dans un cadre institutionnel, est plus souvent un espace de conscientisation, alors que l’organisation de l’action et l’action directe est menée en dehors du cadre de l’éducation populaire institutionnalisée. Cela pose donc la question du lien que peuvent construire les professionnels de l’éducation populaire institutionnalisée avec les organisation du champ de l’éducation radicale. Cela pose par exemple la question d’apprendre à orienter les publics vers des associations ou des syndicats qui puissent prendre la relève sur le plan de l’organisation et de l’action.

3) Mais ce lien n’est souvent pas construit par les professionnels car ils sont eux-mêmes éloignés à titre personnel des organisation de l’éducation populaire radicale. En effet, l’une des difficultés auquel est confrontée l’éducation populaire politique est la distance qu’il existe entre les professionnels de l’éducation populaire institutionnalisée et l’éducation populaire radicale (ex : le syndicalisme). De ce fait, le problème ne tient pas qu’aux contraintes institutionnelles, mais aussi au fait que les professionnels formés par l’éducation populaire politique n’ont pas toujours eux-mêmes en dehors de leur cadre professionnel un engagement militant d’action directe.

En fait, l’éducation populaire politique se retrouve en partie à former des professionnels à l’éducation populaire politique qui eux-mêmes n’ont pas d’engagement dans l’action collective (ex: syndicalisme ou collectif de lutte écologiste par exemple). Or on demande à ces professionnels d’effectuer de l’éducation populaire politique avec des publics qui ne sont pas engagés.

La difficulté se trouve donc redoublée. L’éducation populaire politique doit donc sans doutes d’abord dans un premier temps se donner l’objectif de conduire les professionnels à construire d’avantage de liens professionnels avec les associations et les collectifs de l’éducation populaire radicale (qui est mise en oeuvre dans des organisations de luttes sociales et écologiques). En effet, l’engagement des professionnels dans les luttes sociales semble être une condition sine qua non à ce qu’ils puissent favoriser l’engagement des publics dans des luttes. On ne comprend pas en effet comment il serait possible que des professionnels développent un tel engagement si eux-mêmes n’ont pas ou n’ont pas eu une expérience de ce type d’engagement.

Conclusion :

Nous avons voulu souligner plusieurs éléments. Le premier consiste à confondre autoformation radicale et éducation populaire politique. Le deuxième à considérer que la difficulté auquel est confronté l’éducation populaire politique dans un cadre institutionnalisé tiendrait uniquement aux contraintes institutionnelles, elle tient également à la sociologie militante des professionnels du secteur


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
pedaradicale (21 avril 2025). Qu’est-ce que l’éducation populaire politique ? Les cahiers de pédagogies radicales. Consulté le 12 mai 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/13s3v


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